Décryptage : Les canneberges pour prévenir les infections urinaires.
The Cochrane database of systematic reviews
2023
Williams G et al.
Lenoir Philippe
« Bonjour, ma maman a des infections urinaires à répétition. Que peut-elle prendre pour éviter cela ? Elle boit beaucoup de tisanes de queues de cerises. Cela revient tous les mois, merci de votre aide. » Il s’agit du message posté par une participante dans un groupe hétérogène de passionnés de naturopathie et de professionnels. A cette question, des praticiens ont répondu ce qu’il leur a certainement semblé le plus efficace. Tous azimuts, un « nettoyage de l’intestin », un régime sans sucre raffiné, un régime alcalin, de l’eau faiblement minéralisée ou ionisée, des tisanes & décoctions (verge d’or, busserole, thym), du D-Mannose, de la canneberge, des probiotiques ("Ergyphillus fem", « lactospectrum »), un extrait de pépins de pamplemousse et de la moringa ont tour à tour été proposés. Cette manière de prodiguer des conseils à l’emporte-pièce sans anamnèse sur les réseaux sociaux n’est certes, pas représentative de l’ensemble des praticiens, y compris dans le domaine du bien-être. Pour preuve, une centaine de praticiens ont accepté de répondre à un sondage dont la question était « Praticiens de santé et de bien-être, vous arrive-t-il de faire des préconisations sur les réseaux sociaux ? » seulement 12% ont répondu « oui ». Quoiqu’il en soit, à tort ou à raison, nul doute que de nombreux praticiens conseillent des tisanes, des régimes et compléments alimentaires parmi lesquels des produits de phytothérapie et des probiotiques. Quel rationnel scientifique possèdent ces propositions ? Faisons le tour de la question avec les (meilleures) données de la science comme cette revue systématique Cochrane récente portant sur les effets de la canneberge sur les infections urinaires.
Nettoyage de l’intestin
« Nettoyage de l’intestin » : derrière ce terme un peu nébuleux se cache probablement le concept de dysbiose intestinale. Les recherches actuelles suggèrent en effet un lien entre la dysbiose intestinale et les infections des voies urinaires. Ainsi, le maintien d'un microbiote intestinal sain et la correction de la dysbiose pourraient être une méthode prometteuse pour le traitement et la prévention des infections urinaires. Des résultats positifs ont été démontrés pour les pro/prébiotiques, le transfert de microbiote fécal et les interventions diététiques. Cependant, à l'heure actuelle, il n'existe pas suffisamment de données pour formuler des recommandations fiables sur l'utilisation de ces méthodes de correction dans le traitement et la prévention des infections urinaires (1).
Bref, il s’agit d’une Intervention dont la définition est un peu trop nébuleuse pour être caractérisée.
D-mannose
Le D-mannose est un sucre simple naturellement fabriqué par l’organisme. Il est traditionnellement utilisé dans la prise en charge des infections urinaires. En effet, il pourrait permettre de limiter la prolifération des microorganismes impliqués dans les cystites et notamment le germe E. coli, en favorisant leur excrétion via les voies urinaires. C’est un des composants de la canneberge.
Selon une revue systématique menée par une équipe du groupe de recherche Cochrane et publiée en 2022, il existe actuellement peu ou pas de preuves pour soutenir ou réfuter l'utilisation du D-mannose pour prévenir ou traiter les infections urinaires dans toutes les populations (2).
Les auteurs d’une autre revue systématique récente (3) se veulent un peu plus optimistes dans leur manière de formuler la conclusion quoique peu certains également.
« Des preuves de faible niveau, issues d'un petit nombre d'études, soutiennent l'utilisation du D-mannose ou de traitements combinés pour prévenir potentiellement les infections urinaires chez les femmes adultes sans produire d'effets secondaires contraignants. »
La raison de ce doute quant à la réelle efficacité du D-mannose tient autant à la quantité qu’à la qualité des études réalisées. Pour en venir à cette conclusion, les auteurs ont examiné 21 essais portant sur les résultats de différents traitements non antibiotiques dans la prévention ou le traitement des infections urinaires chez les femmes.
«[…] Cependant, ces études présentaient plusieurs limites, notamment la petite taille des échantillons, ce qui en fait des études sous-puissantes, la réalisation d'essais sans aveuglement [des participants et/ou des évaluateurs] et l'utilisation de différentes définitions de l'infection urinaire. Les études futures devraient approfondir les traitements combinés au moyen d'essais randomisés en aveugle de plus grande envergure. »
Canneberge
La canneberge appelée aussi Cranberry (nom anglo-saxon), est une petite baie originaire des USA au goût sucré et acide. Elle est réputée avoir des vertus préventives contre les cystites.
Les produits à base de canneberge réduisent de 30% la survenue d'infections urinaires. Il s’agit de l’affirmation de chercheurs de la collaboration Cochrane, ayant entrepris très récemment une revue exhaustive sur le sujet. Pour parvenir à cette affirmation, les données de 45 essais cliniques ont été incluses (correspondant à 6211 participants) dans une synthèse statistique (méta-analyse). Les chercheurs ont une confiance modérée dans ce qu’ils avancent (ce qui est pas mal pour un complément alimentaire).
Les produits à base de canneberge semblent diminuer :
-
de 26% les récidives d'infections urinaires chez les femmes souffrant d'infections urinaires récurrentes (8 études, 1 555 participantes)
-
de 54% le risque d’infection urinaire chez les enfants (5 études, 504 participants)
-
de 53% le risque d’infection urinaire chez les personnes présentant une susceptibilité aux infections urinaires en raison d'une opération (6 études, 1434 participants).
Toutefois, il pourrait n’y avoir aucun bénéfice chez les personnes âgées institutionnalisés (3 études, 1 489 participants), les femmes enceintes (3 études, 765 participants), ou les adultes souffrant d'un dysfonctionnement neuromusculaire de la vessie avec vidange incomplète de la vessie (3 études, 464 participants).
En outre, les auteurs ne sont pas parvenus à distinguer la meilleure alternative entre le jus de canneberge et les comprimés et ne peuvent pas établir les meilleures doses de proanthocyanidines, substances anti-oxydantes probablement responsables de l'effet anti-adhésion des bactéries en cause dans l’infection, par manque de données assez fiables.
La tolérance s’est avérée plutôt correcte car le nombre de participants présentant des effets secondaires gastro-intestinaux n’a pas semblé différer statistiquement entre ceux qui prennent des produits à base de canneberge et ceux qui reçoivent un placebo (4).
Régime pauvre en sucres raffinés
Le sucre raffiné est extrait à partie d’aliments naturels comme la canne à sucre ou la betterave sucrière et débarrassé de tous les éléments nutritifs pour arriver à un produit blanc et inodore. Le sucre de table et le sirop de maïs à haute teneur en fructose sont deux exemples courants de sucres raffinés créés de cette manière.
Les résultats d’une étude observationnelle de 2013 soutiennent les recommandations visant à limiter la consommation de boissons caféinées ou sucrées dans le cas de symptômes urinaires et, chez les hommes, ils suggèrent les avantages de la consommation de jus d'agrumes (6).
En dehors de cette observation un peu nébuleuse qui revêt tous les biais inhérents à la méthode observationnelle (en premier lieu, la causalité n'est pas établie), aucune étude interventionnelle ne vient confirmer les effets délétères de la consommation importantes de sucre raffinés. Notons toutefois que ce type de modèle d’alimentation devrait être abandonné pour bien des raisons mieux établies.
Tisane de verge d’or
Les parties aériennes de la verge d'or européenne (Solidago virgaurea L.), sont utilisées depuis longtemps pour les affections des voies urinaires et comme agent anti-inflammatoire dans la médecine traditionnelle de différents peuples. Ses principaux constituants chimiques sont des flavonoïdes (principalement dérivés de la quercétine et du kaempférol), des terpènes (principalement issus de l'huile essentielle), et un grand nombre de molécules de saponine (principalement des virgaureasaponines et des solidagosaponines).
Dans un essai clinique, l'utilisation d'extraits de solidago, d'orthosiphon, de bouleau et de canneberge a entraîné une réduction significative de la colonisation microbienne chez les patients porteurs de sondes urinaires à demeure versus un groupe sans intervention (7).
Dans l’analyse secondaire d’un essai clinique randomisé en double aveugle, une combinaison fixe d'extraits de racine d'achillée, de thé de Java et de verge d'or était supérieure au placebo en ce qui concerne le soulagement des symptômes et la prévention de l'utilisation d'antibiotiques chez les femmes souffrant d'une infection des voies urinaires inférieure (8).
Les autres preuves concernant ses avantages p
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